Tes bras, un petit endroit pour vivre et un petit endroit pour mourir

Analyse briser le tabou du désir sexuel des femmes dans le film «my favourite cake» de Maryam Moghadam et Behtash Sanaeiha

Ecrit par Nozhat Badi

Ces moments simples et agréables de la vie quotidienne que l’on voit dans le film my favourite cake, dans toutes les années après la révolution islamique, n’ont pas été censurés uniquement au cinéma. En réalité aussi, cela a été supprimé de la vie des gens. Le hijab dans le cinéma iranien n’a jamais été une question religieuse, c’était plutôt complètement politique. Sinon, le hijab dans les films devrait être utilisé de la même manière que dans la vie des personnes liées par le hijab. Lili Farhadpour, l’actrice qui joue Mahin, souligne correctement lors de la séance de questions et réponses du film à la Berlinale que même ceux qui portent le hijab ne le portent pas dans leur chambre ni dans la cuisine. Mais dans les films iraniens, les femmes doivent porter le hijab partout, même dans la salle de bain. Le régime islamique a exploité cette image fausse et déformée de la vie des femmes pour imposer son style de vie idéologique au peuple iranien. D’une part, pendant les premiers mois après la révolution islamique, il a envoyé des comités et des patrouilles aux domiciles des gens, lors des fêtes et des célébrations, pour contrôler leur vie privée et a exilé l’amour, les câlins, les baisers, le vin, la danse, le chant et l’habillage gratuite aux sous-sols et les lieux secrets. D’une autre, il montrait une fausse image de la vie religieuse et révolutionnaire des gens dans les cinémas et a distortioné un style de vie commun et dominant. Le temps sombre était venu.

Le régime islamique pensait pouvoir changer le style de vie du peuple iranien par la répression et l’étouffement. Il ne savait pas qu’il ne prend la liberté que des gens Mais le rêve de liberté reste vivant dans les cœurs et les esprits des gens et ressort encore des sous-sols, comme les bouteilles de vin que Mahin sort du sous-sol de sa maison. Désormais, de nombreux films seront réalisés sur tous les câlins et des baisers secrets, des verres de vin, des retraites romantiques, des cheveux et des corps libres et de toutes les émotions humaines et des moments de la vie, ce qui est magnifique. en particulier quand ils survivent à l’ère de l’étouffement et de la répression, et ne changent pas de forme. Étant donnée l’appréciation des spectateurs et des spectatrices du film, l’on peut voir clairement que le peuple iranien a préservé ses plaisirs interdits sous le fouet fouet, la torture, l’arrestation, la prison, l’exécution, le contrôle et la surveillance. De tels films sont une indication claire de la lutte du peuple pour reprendre sa vie normale au dictateur. Des gens nobles qui sont les meilleurs gardiens de la liberté à l’ère des ténèbres.

La valeur du film n’est pas seulement dans la suppression du hijab et la lutte contre la censure, mais aussi dans la représentation réelle du corps d’une femme chez elle. Une femme chez qui on peut voir les effets de l’âge, prise de poids, de l’expérience de l’accouchement, de l’allaitement, du travail et de la vie, dans la graisse de son corps, dans les gonflements derrière ses paupières, dans les rides de ses mains, dans le gonflement de ses jambes, dans ses cheveux dans le bas du dos. Mahin dort, s’assoit, marche et s’habille comme on le voit habituellement chez les femmes de son âge. Nous sommes face à un corps féminin qui n’a pas été manipulé ou déformé pour être montré àl’écran de cinéma : Ni avec le hijab forcé, ni avec l’érotisme imposé. C’est un corps avec lequel une femme a vécu, souffert, apprécié, parfois aimé, parfois honteux. Mais ce corps appartient à Mahin et ce corps ne lui a pas été prêté en dehors de la réalité. Les cinéastes, Maryam et Behtash donnent à une femme oubliée du cinéma et de la réalité comme Mahin l’opportunité d’être aimée et admirée avec son corps normal lors de la vieillesse. Pour cette raison, le film a pour moi une valeur féministe: la lutte contre la censure a pour but que les femmes puissent se voir telles qu’elles sont réellement. et se sentir et désirables.

Mahin est une femme âgée qui, dans la culture traditionnelle et religieuse iranienne, doit rester fidèle à son défunt mari, devrait penser à ses enfants et petits-enfants, rester à la maison et se réchauffer la tête en faisant le ménage, en passant du temps en famille et en passant du temps avec ses voisins. Mais Mahin veut quelque chose de plus. Elle se sent toujours pleine de passion pour la vie et souhaite partager sa solitude avec un homme. Elle en a assez de se mettre du vernis à ongles, de se maquiller, de porter de beaux vêtements, de danser et de dormir uniquement pour elle-même. Lorsqu’elle fait ces choses, elle veut qu’un homme soit à ses côtés et lui dise : comme tu es devenue belle! Elle aime avoir un homme dans sa maison pour qui elle enlève les draps des canapés, verse du vin dans les verres, fait un gâteau, cueillit des légumes de son jardin et les met à côté de sa nourriture, écoute de la musique, parle, rit, lui tient la main, se mouille sous la douche à côté de lui, dort sur le lit à côté de lui, l’embrasse, a des relations sexuelles avec lui et jouit.

Ainsi, un jour, au lieu de rester à la maison et de tricoter une couverture pour son petit-fils, elle sort de la maison pour trouver un homme qui est également seul et qui veut passer une nuit avec une femme et s’amuser. Mahin ne veux pas se remarier et de fonder une famille. Sinon, il y a des années, quand elle était encore jeune, elle avait épousé le même homme que le dit son amie. Non pas qu’il doive rejeter l’homme parce que ses bras et sa poitrine sont glabres. Elle cherche un homme avec qui elle pourra faire tout ce qu’elle n’a pas fait dans sa vie et qu’elle regrette. Elle veut évidemment un homme qui l’aime bien et qui vient chez elle pour une nuit pour passer du temps avec elle et faire l’amour. Cette idée semble très normale et conventionnelle dans une société en dehors de l’Iran, mais dans la société iranienne, où même les jeunes femmes sont confrontées à des restrictions et à des interdictions de sortir avec des hommes sans l’intention de se marier et uniquement pour le plaisir, cette démarche est audacieuse et stimulante. Au fond, dans une société religieuse et traditionnelle fortement contrôlée par le gouvernement islamique, parler de désir sexuel est considéré comme un tabou et les gens, surtout les femmes, préfèrent ne pas en parler et cachent leur désir sexuel derrière des relations affectives. Ici, si une femme dit: «je ne veux être avec un homme que pour le sexe», cela est considéré comme de la promiscuité. Dans le cinéma iranien, nous avons peu de films sérieux et profonds qui accordent de l’importance à la question du désir sexuel des femmes. La censure sévère qui règne sur le cinéma iranien et la honte et la pudeur traditionnelles de la société iranienne ne nous ont jamais permis de voir la relation entre un homme et une femme dans la chambre à coucher. Le spectateur et la spectatrice iraniens restaient toujours derrière les portes porte fermées des couples et n’étaient pas autorisé à entrer.

My favourite cake reconnaît et valide la sexualité féminine dans la vieillesse. Contrairement à la chanson «Non, je n’ouvre pas la porte» sur laquelle dansent les personnages, le film nous ouvre la porte de la maison et nous permet de voir la l’intimité des hommes et des femmes. La réussite du film est qu’il montre le désir sexuel d’une femme au même niveau que son désir de parler, de manger, de danser et d’autres activités normales de sa vie et avec cette approche, il brise le tabou sur la question sexuelle et la présente comme un phénomène quotidien. Le film souligne que les femmes ont le droit de jouir de leur corps et de leurs relations sexuelles, mais les structures religieuses patriarcales les ont toujours empêchées. Alors qu’inviter un homme à se rencontrer et à avoir des relations sexuelles demande beaucoup de courage et peut avoir de graves conséquences pour une femme. En fait, ce que les autres femmes des pays libres et démocratiques vivent comme une vie normale est considéré comme un combat quotidien pour les femmes iraniennes. Pour cette raison, un film sur le thème de l’intimité nocturne d’une femme et d’un homme se transforme en film politique dans le cinéma iranien et cela conduit à l’interdiction de travailler et de quitter le pays comme punition pour les cinéastes. Car toute représentation de l’effort d’une femme pour sortir de la domination patriarcale du gouvernement est considérée comme un acte politique.

Mais le film est un exemple des œuvres qui ont été réalisées pendant les quarante années de censure du régime islamique après le mouvement «femme, vie, liberté»: Il a passé la censure, mais la peur demeure. C’est pour cette raison qu’il parle du désir sexuel d’une femme d’avoir des relations sexuelles avec un homme, mais à la fin il échoue. Mahin nous rappelle Nancy dans Good Luck To You, Leo Grande, qui n’a jamais eu d’orgasme dans sa relation conjugale et qui maintenant, âgée, décide de satisfaire son désir sexuelle. Dans le film de Sophie Hyde, le personnage féminin en profite pour changer et mieux comprendre son corps, son désir et son plaisir sexuel. Mais Mahin est privé de la possibilité de reprendre son corps refoulé et d’en profiter après sa vie perdue. Mahin est encore prisonnière du déterminisme géographique d’un pays appelé Iran, où les femmes doivent lutter pour leur liberté. Elle doit se cacher d’un voisin religieux pour inviter un homme chez elle, lorsqu’elle l veut parler à son voisin, ell doit faire attention à ce que sa bouche ne sente pas le vin, pendant la musique et la danse, elle craint que la musique puisse être entendue à l’extérieur de la maison. Parce que la danse, la musique, le vin et les relations sexuelles entre hommes et femmes sont interdits par le régime islamique. Comparez sa liberté avec Nancy: Nancy a un rendez-vous avec un jeune homme en tant que travailleuse du sexe dans un hôtel et n’a pas peur du contrôle et de la surveillance extérieurs, mais Mahin essaie de garder l’histoire cachée dans l’intimité de sa maison tout au long de sa relation avec Faramarz.

Les deux femmes sont confrontées à des obstacles internes et ont honte de leur corps et s’inquiètent de vouloir coucher avec un homme. Mais la liberté sociale et politique dont jouit Nancy l’aide à surmonter sa honte et sa peur, à accepter plus facilement son corps et à valoriser son désir sexuelle. Mais même chez elle, Mahin ressent toujours le regard de l’observateur extérieur sur son corps et ne peut pas essayer ce qu’elle n’a pas fait, comme Nancy. Toutes les deux sont gênées d’être nues devant un homme et ont peur que leur corps ne soit pas désirable. Mais la différence de leur bio-culture permet à Nancy de pouvoir se déshabiller et de profiter de voir son corps dans le miroir, et Mahin ne peut pas se déshabiller dans la salle de bain devant Faramarz. Pour comprendre cette différence, il suffit de rappeler que nous avons affaire à une femme qui, pendant toutes les longues années qui ont suivi la Révolution islamique, n’a même pas pu se déshabiller sur la plage et à la mer et a été condamnée à porter le hijab. C’est pour cette raison que le film souligne que les femmes iraniennes ont un long chemin à parcourir pour valoriser leur corps et leur désir sexuel, un combat qui se poursuit de chez elles jusqu’à la rue.

La fin amère du film, bienqu’elle montre l’echec de la tentative de Mahin de relancer son agence sexuelle et conduit à la déception et à la frustration du public, révèle la nature et les conséquences destructrices de la censure et du contrôle et de la supervision gouvernementaux sur la vie des citoyens. Les meilleures années de la vie de Mahin ont été perdues sous l’ombre de la dictature, et il semble qu’il n’y ait aucune chance de les rattraper. Le sentiment de tristesse à la fin du film peut se transformer en colère et motiver la lutte pour mettre fin à l’ère de l’étouffement et de l’oppression. Lorsque nous reviendrons sur cette nuit heureuse, nous ne la retrouverons pas en vain. C’était court mais durable. Mahin aurait pu ne pas sortir de chez elle et ne pas inviter Faramarz chez elle. Faramerz pourrait également mourir seul sans rencontrer Mahin et personne ne serait au courant de sa mort. Mais le courage de Mahin de proposer d’être ensemble nous rappelle à quel point c’est une joie de vivre en liberté Et nous pouvons vivre comme nous le souhaitons, sans nous imposer la dictature. Faramarz a aussi eu la chance de mourir en paix après avoir passé la meilleure nuit de sa vie et en profitant encore. Ensuite, Mahin effectue les coutumes funéraires à sa manière, se laver ses mains et son visage avec amour, regarder ses cheveux de sa main, se peigner, mettre un morceau de gâteau dans sa bouche, embrasser son front, envelopper son corps dans ses draps et l’enterrer dans son magnifique jardin. Le même jardin dont rêvait Faramarz. Désormais, chaque jour, Mahin arrosera son jardin et des centaines de feuilles de basilic pousseront sur la tombe de Faramarz. Le rêve de liberté est devenu réalité du jour au lendemain et même si il n’a pas duré longtemps, il a montré que cela valait la peine de se battre.